CABANE 16 - Un gland et ça repart

Un gland et ça repart

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Nous sommes aux confins du cercle polaire, dans un monde gelé et presque désertique. Là, une graine de chêne est blottie au creux d’une épaisseur de neige, transie, seule, immobile. Elle dort depuis des millénaires

 

Les chuchotis de la glace la bercent. 

À la surface, pas un bruit, et surtout, pas la moindre trace de l’Homme.

 

Sur cette étendue de glace, le silence est lourd.

Résonance assourdissante d'après la fin du monde ?

Ou peut-être ; bruissement sacré de l’aube d’un nouvel autre...

 

Dans ce ciel froid et silencieux, la brise se lève.

Au loin, confondue dans l’horizon, une masse sombre prend forme.

Elle approche. Le courant d’air soufflant se mue en vent sifflant.

De hauts nuages s’amoncellent et se gonflent pour former une muraille immense. Tout à coup, un éclair aveuglant déchire le ciel et s’abat sur le sol gelé. La glace se déchire et tremble, fissurée. Une énorme plaque de terre et de glace se décroche et plonge dans la mer.

Baignée d’écume, une île flottante amorce sa dérive vers l’équateur.

 

Nichée sous un manteau floconneux, au milieu de cette île nouvelle, la graine attend son heure, patiemment. Ainsi détachée de sa terre natale, comme une promesse inavouable, elle part vers l’océan. Une magnétique attraction l’attire au sud. Ce sud si différent, si chaud, si lointain et si proche à la fois.

Les autres, ce sont les autres qui l’attirent, ses semblables.

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A mesure que la petite île vagabonde sur l’océan au gré des courants capricieux, la glace fond, et l’eau ainsi formée détrempe la terre mouillée, inondant de vie notre gland mis à nu. Bientôt une première pousse, puis une feuille tendre.

 

Le petit chêne, perdu au milieu des flots et seul sous le ciel azuré, se sent.

intimidé. Peu à peu, il prend de l’assurance, se développe et jour après jour, le temps faisant son œuvre, ses rameaux grandissent jusqu’à ce qu’il devienne un bel arbre vigoureux et empli de sagesse. Bientôt, son feuillage diffuse une ombre douce sur l’ensemble de l’îlot.

 

“Comment ? Par la vie, un boom et je renais ?

le hasard apparent ne doit rien à l’aléa non maîtrisé,

tout fait partie d’une chaîne logique.”

 

Alors que depuis des années, elle errait au milieu de l’étendue bleutée, soudain l’île au chêne vient heurter une rive, celle d’une terre luxuriante où de magnifiques arbres croissent dans une harmonie double, aérienne et souterraine.

 

“ Je me pensais seul “ se dit le Chêne

“ Me voici devant une multitude d’autres moi-même”

“ Par quel miracle la mer m’a-t-elle guidé jusqu’ici ?”

 

Il contemple émerveillé et abasourdi cette forêt luxuriante qui se déroule à perte de vue : fayard, charmille, noyer, baobab, bouleau, et même de verts buissons de buis… Il n’en croit pas ses yeux… 

Lorsque soudain, la forêt frémissante s’adresse à lui : 

 

“ Salut ô joli chêne, nous t'attendions !

Nous t’attendions depuis si longtemps !

C’est nous qui avons uni nos sèves, nos souffles, nos racines et toutes nos énergies pour provoquer l’orage… ainsi, par nos fluides entremêlés, te libérer de la glace qui t'a retenue ensommeillé pendant tant d'années."

 

“Nous t’avons tant attendu !

Tu étais notre chêne manquant !

Par la force de notre Amour, par notre désir de nous relier les uns aux unes, les unes aux autres, nous t’avons fait voguer et venir jusqu’à nous. Tu es ici chez toi ! Nous t’accueillons à branches déployées.”

 

En entendant ces mots, le chêne s’emplit de joie. Il laisse s’échapper une pluie des fruits qui sont les siens, aux pieds de la forêt, ravie.

 

Les arbres de la forêt :

“ enfin notre union est faite : nous pouvons maintenant délivrer notre message…”

 

Nous les arbres, 

Sommes issus d’une lignée 1000 fois plus anciennes que la vôtre.

Nous avons construits le monde que vous respirez

Nous pensons, 

Nous communions

Nous communiquons à distance,

Nous sommes vivants parmi les vivants

Et nous prenons soin de vous.

 

Depuis des millions d’années nous avons été, 

Nous sommes et nous serons là !

Avec ou sans vous...

Pour nous la mort n’est pas une fin.

C’est une promesse de lendemain

et vous !

et vous ?

 

A quoi songez-vous…?

Nous vous en prions, stoppez vos rêves stériles, 

arrêtez de réaliser nos cauchemars !

Car sans air à respirer, vos projets ne seront que chimères ou éphémères.

 

Moi, le chêne, grâce à notre terre mère et la force de ses éléments

guidé par l’appel de mes soeurs herbes et mes frères arbres,

j’ai pu retrouver ma famille, mes racines et mes amis rassemblés qui ont tout fait pour me retrouver.

Et vous les humains en feriez-vous autant ?

Et toi le gosse, quand tu vides tes poches

Prends garde qu'il n'y traîne pas une graine. 

Et si tel est le cas, 

sème, essaime et s’aime.