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Stage conte de l’Après

  • Intervenants : David Guerra et Victor Roux

  • Participant.es : Océane,  Titouan, Victor, Marius et Cyprien sous la direction de Gaëlle Minisini puis Nathan, Chloé, Timothé, Evan, Mélody, Ondeline sous la direction de Tardy Marion et Doury Alice

  • Voix : Océane, Victor, Marius, Chloé

  • Partenaires : médiathèque de Montrevel-en-Bresse, centre de loisir de Val Revermont et centre de loisir de Saint-Trivier-de-Courtes.

  • Dates : du 8 au 10 février 2021 

  • Durée de l’atelier : 3 jours 

Localisation : Salle Multimédia de Foissiat, Clos de Carouge, 01340 Foissiat

CABANE 07 - Île flottante

“Où le monde entier s’est ralenti, jusqu’au ronflement”

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Jour 417

 

Encore un hiver sous la Bresse. 

Un tapis de neige gomme les derniers reliefs. Nous avons apporté nos objectifs à voir le monde tout autour et nos micros directifs pour écouter les sons du silence, enregistrer les infrabasses, saisir les “chut” et les “chotes”. 

Nous attendons qu’ils viennent.. 

 

Celles du nord, d’abord. 

Une petite tribu fragile et soudée comme après un ouragan. 

Puis ceux d’ici, en retard, qui n’avaient pas l’air de savoir ce qu’on allait fabriquer à présent. 

On s’est un peu moqué d'eux, de leurs écrans noirs qui aspirent les regards au creux des mains. Puis, pour les éveiller, on leur a lancé direct, comme une boule de neige à la face : 

 

“Alors vous : comment vous le voyez, votre avenir ?”

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Île flottante

Il était une fois, un monde endormi, fatigué, épuisé… 

Fatigués de leurs folies, les hommes ont d’abord commencé à parler de moins en moins vite, à marcher de moins en moins loin. Les voitures ont ralenti. Les téléphones se sont éteints… 130… 120… 110… 30… 20… 10… 9… 8…

 

Sept milliards de corps allongés, paisibles, enchevêtrés.

A la surface de la terre, le temps passe.

___


 

A l’écart, isolé, une enfant est endormie. Elle semble avoir 7 ans. Ses cheveux ébouriffés rappellent les champs de blé. Elle porte une robe bleue raccommodée, elle n’a pas de chaussures. Son visage plein de suie est creusé par la faim. Elle semble paisible.

 

Combien d’années se sont écoulées ? On ne le sait pas.

 

Un matin, une sensation désagréable dans la gorge la réveille enfin. 

La soif ! 

Une soif aride qui la sort de son sommeil profond. Dans ce monde devenu brûlant, un goudron noir lui colle à la peau. Elle s’assied, regarde autour d’elle, et voit sa ville abandonnée. Elle comprend qu’elle est seule. Depuis quand est-elle là ? Qui est-elle ? Quel est son nom ? Comment est elle arrivée ici ? 

Elle a tout oublié.

 

___


 

Alors qu’elle reprend doucement ses esprits, une créature se pose à côté d’elle. Elle arbore de magnifiques plumes jaunes, bleues, tachetées de noir et de vert. Interloquée, la petite fille l’observe. Elle n’a jamais vu une telle chose auparavant : - Est-ce un caillou ? 

Voilà qu’elle volète autour d’elle et finit par se poser sur son épaule.

 

- Bonjour jeune fille.

- Qui es-tu ? demande innocemment l’enfant.

- Je m’appelle Bird.

- Et tu...tu es quoi ?

- Je suis une mésange.

- Qu’est ce qu’une mésange ?

- Un oiseau.

- Qu’est ce qu’un oiseau ?

- Tu ne sais vraiment pas ? Tu ne te rappelles pas ?

- Non… Je...  S’il-te-plait mésange. J’ai très soif.

L’oiseau s’envole :  

- Viens ! Suis moi ! Je sais où trouver de l’eau.

 

La fillette se lève et la suit dans la ville endormie. En regardant tout autour, elle s'aperçoit que des immeubles se sont effondrés. Tout est sombre et désert, le béton et l’acier recouvrent tout. Pas un bruit, aucun mouvement, et même au creux du bitume fissuré, même à perte de vue, la nature a disparu.

 

Après une longue marche, elles arrivent sur un rivage. Une eau claire s’étend à l’horizon. Elle court, s'accroupit et de ses deux mains porte l’eau à ses lèvres. Elle se redresse et regarde au loin la terre vide. Le soleil chauffe sa peau, et dans sa chevelure blonde, le vent tiède.

 

___


 

Du coin de l'œil, elle voit, au large, une silhouette s’approcher. Une lumière verdoyante l'éblouit. La forme grandit rapidement et se rapprochant, la silhouette finit par se révéler. C’est une grande île recouverte de végétation luxuriante, d’arbres lianes, de baobabs et de fougères géantes. 

 

Soudain, d’énormes branches surgissent de l’eau, se soulèvent, s’enroulent autour de la fillette et l'emmènent. Les branches ralentissent leur course et déposent délicatement l’enfant au centre de l'île sur un tapis de mousse fraîche et humide. Un peu affolée, elle reconnaît Bird qui vole au-dessus d’elle avec d’autres oiseaux.  

Un être de bois la surplombe. Il arbore un sourire bienveillant. Elle découvre alors le visage de celui qui l’avait manipulée jusqu’ici :

 

- Bonjour petite fille, j'espère ne pas t’avoir effrayé. Je suis le grand Arbus, l’esprit de l'île-forêt, garant de l’équilibre des vies. Je vois que tu as rencontré mon ami Bird. Je lui ai confié la tâche de te mener jusqu’à moi.

 

Ebahie, la fillette frôle de ses mains les hautes herbes qui l’entourent. Elle prend une grande inspiration comme pour la première fois, et mille et une odeurs nouvelles lui traversent le corps. Des bananes, des citrons, des noix de coco, des papayes ; mais aussi des orchidées de toutes les couleurs, des violettes, des roses et de grands arbres… Tout l’émerveille. En s’allongeant, elle découvre un ciel bleu immense empli d’oiseaux azurs aux couleurs lumineuses. Elle entend des voix au loin, se retourne et aperçoit d’autres enfants qui jouent.

 

Tout à coup, Arbus s’agite, ses feuilles tremblent et un grondement se fait entendre. Tous les enfants se tournent vers lui.

 

- Chers enfants perdus, vos souvenirs sont encore flous ou inexistants. Et c’est normal car l’humanité dort depuis trop longtemps. Vous avez envie de savoir. N’ayez crainte, je vais vous raconter votre histoire.

Depuis la nuit des temps, les humains vivaient en harmonie avec la nature. Ils donnaient. Ils prenaient. Ils voyaient. Mais peu à peu cette harmonie a été brisée et fatiguée de tout prendre, l’humanité a fini par s’endormir. 

J’aimerais nous donner une autre chance. Je vous ai amenés ici pour passer du temps avec vous et qu’ensemble nous apprenions à nouveau à nous voir, à nous entendre que nous sachions nous apprivoiser. Vous êtes ici chez vous, restez le temps qu’il faudra.

 

___

 

 

Les années ont passé.

Jusqu’au jour où, un matin, Arbus les a convoqués. Ils sont tous là.

Sur chacune de ses branches, les enfants perdus ont bien grandi. Leurs rires répondent aux chants des oiseaux. Ils sont agiles, curieux et forts. Chaque enfant porte en lui l’esprit de la forêt. La nature, jour après jour, les a protégés du froid et de la faim et eux l’ont accompagné de leurs soins.

 

- Vous êtes enfin prêts, leur dit Arbus. Tendez votre main, j’ai un présent pour vous. 

 

Arbus leur remet à tous une toute petite graine semblable à un grain de sable. 

 

- Retournez sur la terre ferme. Choisissez l’endroit juste. Plantez-la. Aidez-la à grandir. Cultivez-la et ne vous lassez pas de vous cultiver auprès d’elle. Elle vous transmettra son savoir immémorial. Ainsi, dans l’échange renaîtra l’harmonie. Le jour où la dernière graine sera plantée, les Hommes se réveilleront et reprendront leur place, à l’aube d’un monde reposé.

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