CABANE 03 : Collision

Jour 188

 

On les a trouvés là. 

Une 15aine de mômes élevés en broussailles dans une forêt parentale dont les bourgeons auraient pris un coup de gel. 

Adolescence.

Un printemps de ronces en fleurs.

 

Ils avaient élu domicile dans un bâtiment où se transmettent les savoirs d’avant. L’étymologie du lieu est belle : 

leg = ce que l’on donne, ce que l’on transmet après soi...  

et co : ensemble, en commun…

Co-leg ou collège. Apparemment on en trouvait plusieurs dans chaque département. 

 

Puisqu’ils savaient tout ce que les moins jeunes leur avait transmis, nous leur avons demandé simplement : 

Mais comment ?

Comment en est-on arrivé là ?

 

Alors ils nous ont glapis la souffrance et la colère d’être les descendant.es, les héritier.es, cette génération stupéfaite qui ne peut que constater le renoncement de ceux et celles d’avant. Ou l’ignorance. Ou le cynisme. Ou le repli.

Adolescent·es et abandonné·es.

 

Ils nous ont raconté :

“Au début, ils nous avaient fait rêver avec leurs slogans optimistes “Un territoire à énergie positive pour la croissance verte”. Mais au bout d’un moment, on a compris qu’on se faisait enfler. La croissance qui les intéressaient, c’était surtout celle de leurs porte-monnaie !”

 

“Quand un président dit à tout le monde qu'il n'y a pas de changement climatique, qu'est-ce que ça veut dire ?”

“Nous on se disait bien que mettre des shorts en décembre, ce n'était pas normal.”

"Année après année, il y avait de moins en moins d’élections. Et l’innovation continuait toujours plus. Ici on entendait parler d'un nouveau continent habitable, 100 % plastique. Une digue géante pour retenir la banquise. En Amérique, ils avaient fait de nouveaux chauffages... pour l'extérieur. Peu à peu on comprenait que si on inventait le crime contre la terre, nous serions tous des condamnés.”

​

“Tout ça me donne envie de crever.

Je n'ai qu'une hâte, c'est de disparaître pour ne plus voir cette catastrophe

M'endormir et me réveiller en espérant que tout ira mieux.

Vivre sous antidépresseurs pour voir le monde meilleur.

J'ai peur de la famine, qu'on n'ait plus de sous, qu’on soit seuls, isolés

Il y a tellement de pollution qu'il n'y a plus de solution.

J'espérais mourir avant que tout parte en vrille.”

 

“Y aura-t-il un lendemain ?

Plus les années passent, moins les arbres naissent

La reine des neiges a fondu. 

Sous les déchets, la plage ?

ça serait bien un bouton reset, non ?”

 

“J'ai faim

Regarde moi... mais regarde moi !

Tu es une vraie catastrophe...

A part détruire la terre, qu'est-ce que tu sais faire ?”